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 Jekyll ✦ Tu ne savais pas pauvre de toi, qu'il y a du Mr Hyde en moi... (terminée)

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Richard A. Hyde

Richard A. Hyde
Messages : 2
Date d'inscription : 16/06/2013
Age : 30
Localisation : Certainement dans sa boutique...

Identity Card
NOM DE CODE:: Jekyll
OPINION SUR L'ILE::
POUVOIRS::

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MessageSujet: Jekyll ✦ Tu ne savais pas pauvre de toi, qu'il y a du Mr Hyde en moi... (terminée)   Jekyll ✦ Tu ne savais pas pauvre de toi, qu'il y a du Mr Hyde en moi... (terminée) EmptyDim 16 Juin - 11:08

« Richard Andrew Hyde »

   


Nom: Hyde
Prénom: Richard, Andrew
Surnom: Jekyll
Age: 176 ans
Nationalité: Anglais
Orientation Sexuelle: Hétérosexuel avant que l'Autre n'apparaisse. À présent... Croyez-moi, vous ne voulez pas entendre la réponse à cette question.
Statut: Veuf, célibataire
Emplois: Anciennement scientifique. Désormais radié, il tient sur l'île une librairie nommée Ye Olde Book Shop
Groupe: Criminels
Avatar: Tom Hiddleston
Prédéfinis: oui [x] non []


   

Caractère.
Dawn ; who you really are.
C'est certainement le facette de Richard que vous croiserez le plus souvent, celle qui reçoit les clients à la librairie, celle que tout le monde connait. Pour la grande majorité des habitants, Richard n'est autre qu'un libraire consciencieux quoi que secret, que l'on connait de vue sans réellement, au fond, savoir qui il est dans les détails. Le genre de type discret que l'on oublie après l'avoir rencontré, car n'arborant pas une personnalité marquant les esprits, archétype même du type sympa à qui l'on n'a rien n'a reprocher, et duquel on ne soupçonnerait absolument rien, rien qui ne sorte des sentiers battus en mal comme en bien. Ce Richard là est calme, posé, disponible sans pour autant vous donner l'impression d'être à votre portée, complètement connecté au monde réel. Vous croirez avoir affaire à un de ces anciens timides qui, ayant renoncé à lutter pour leur place sur le devant de la scène, se satisfont sans mal de la platitude des coulisses, dénués de passions, n'aspirant qu'à la tranquillité d'une vie solitaire et parfaitement balisée. Pas un mot plus haut que l'autre, à peine un léger sourire aimable, et ce sera comme si, lorsque la porte de la librairie se refermera sur vous, il n'avait laissé aucune trace tangible dans votre existence, et que vous veniez de sortir de sa vie aussi aisément que le dernier souffle d'un mourant franchissant des lèvres déjà livides. Ce n'est pas que Richard n'est pas sociable... Si vous vous donnez la peine de faire le premier pas, il se révélera sympathique, quoi qu'un peu dans son monde, voulant bien faire sans toujours savoir comment. Rien d'autre qu'une créature docile et effacée se perdant sous des piles de bouquins, absolument inoffensive...

Daylight ; who you could have been.
Voilà ce qu'il aurait pu être de son "vivant" avec un peu plus de confiance en lui. L'anglais, en compagnie de ses amis ou de personnes qu'il connait un peu mieux, se révèle charismatique, d'une prestance qui en impose avant même qu'il ouvre la bouche. Déjà brillant avant son accident, en tant qu'homme de sciences passionné jusqu'à l'excès par ses recherches, imaginez ce qu'un peu moins de deux siècles de temps libre ont pu forger : Hyde possède de bonnes bases dans diverses langues européennes, et joue du piano aussi bien que du violon. Sa culture générale est impressionnante, et pour cause, puisqu'il fut le témoin de nombreux évènements ayant façonné notre présent. Réfléchi autant que résolu, il conserve l'élégance des contemporains de son siècle disparu, un peu dandy, très aristocratique quoi qu'il n'ait jamais porté de titre de noblesse. C'est quelqu'un sur qui vous pouvez compter si vous avez besoin d'un conseil, que ce soit dans la vie courante ou, si vous appartenez comme lui au mauvais côté de la barrière, dans toute activité criminelle que ce soit, pour peu que celle-ci soit digne de l'intéresser. Épris d'excellence et de flegme, ce Richard est une petite sommité dans le monde secret de l'île de Monroe, respectée, peut-être même un peu crainte, car sous ce sérieux presque glacial cache une volonté de fer, n'éprouvant aucun intérêt pour les plus faibles, ou ceux jugés en dessous de lui. Ah, c'est que le britannique sait avoir une haute estime de lui-même... N'est-ce pourtant pas justifié, alors qu'il sait parfaitement vous donner l'impression de lire en vous comme s'il disséquait d'un regard votre âme entière ? Prompt à juger, à se montrer directif et même incisif, le Docteur -comme il se plait encore à se considérer, les pairs qui à l'époque lui avaient interdit d'exercer n'étant que de profonds idiots envieux- saura se jouer de vous et vous manipuler avec une facilité déconcertante, car après tout, même si vous êtes proche de lui, vous n'avez pas réelle valeur, sinon celle d'un outil, ou d'un passe-temps.

Twilight ; the troubled one.
Le masque se fissure un peu, le vernis se craquelle, et les vieilles névroses renaissent de leurs cendres, car aussi lisse que l'on veuille paraître, un psychotique restera à jamais un psychotique. L'Anglais a toujours craint la mort, et si à présent cette dernière ne semble plus vraiment capable de l'atteindre, des légions de questions métaphysiques l'assaillent parfois, le laissant inquiet, replié sur lui-même, se parlant seul parce que personne ne le comprend. Cet état frôlant la paranoïa apporte avec lui un cortège de défauts s'ajoutant à cette instabilité inquiétante : une possessivité qui rend acide son regard autant que son ton, un cynisme lui faisant mépriser l'existence en elle-même, les croyances sous toutes leurs formes, les buts proprement sorts après lesquels tout le monde court. Sans scrupules, il vous mentira pour se protéger, pour vous induire en erreur sur son compte, ou juste pour vous voir partir dans la mauvaise direction, tel un enfant tyrannisant une fourmilière à l'aide d'une loupe un bel après-midi d'été. Ces phases révèlent à quel point le libraire peut être double, un instant avenant, le suivant faux, souriant puis mesquin, quelqu'un en qui vous avez confiance et qui la seconde suivante vous poignardera dans le dos. Dans ses yeux dansera alors la flamme ténue de la démence sous-jacente, terrée dans un coin de son esprit labyrinthique. Au final, toutes ses facettes se mélangent, et il est souvent difficile de définir son état d'esprit, ou encore de savoir précisément à qui vous allez vous adresser : son humeur change comme le temps en pleine mer.

Midnight ; and monster you've become.
L'Autre, celui né du breuvage que le scientifique avala un soir afin de se prémunir de la Faucheuse. Une entité à l'exact opposé de la personnalité de base de son détenteur. Jekyll -ainsi baptisé par la presse et les autorités- est la seconde personnalité de Hyde, son pendant schizophrène poussé à l'excès. Il n'a aucune limite dans aucun domaine que ce soit, du vice au meurtre en passant par toutes la liste de péchés capitaux. Ce qu'il désire, il le prend, et si on ne lui donne pas, il tue. Son monde est incroyablement simple, au fond ! Jekyll n'a cure des conventions, des règles, de la crainte de choquer ou d'être marginalisé ; au contraire, lire la peur dans les yeux d'autrui l'amuse à un point indescriptible. Les excès sont son terrain de jeu favori, autant par les mots que par les actes, riant du trouble qu'il cause, des désastres s'amoncelant dans son sillage. Peur de rien, peur de personne ! La planète n'est pas assez vaste pour ce double maléfique se fichant bien des ennuis qu'il procure à son autre lui, que le monstre trouve encombrant... Mais au final complémentaire, tempérant ses errances, lui redonnant une route à suivre, à lui qui serait immensément tenté par l'idée d'une évasion sanglante. Avec quelqu'un de compétent aux commandes, Jekyll peut entièrement se livrer à ses exactions, à la torture qu'il adore, à la vue de l'hémoglobine et du chaos qui lui fait se sentir vivant, oh, plus vivant que ce que Hyde ne pourra jamais éprouver. Si jamais vous croisez Richard sous l'emprise de sa double personnalité, fuyez : ce dernier pourrait bien avoir l'envie de jouer avec vous, et vous n'aurez alors que peu de chances de vous en sortir indemne, autant physiquement qu'intellectuellement. La bête s'est plutôt tenue calme depuis son arrestation ; elle demeure pourtant bel et bien réelle, aucun signe avant coureur ne prévenant d'une crise imminente.

Physique.
Ce qui se remarque sans doute en premier chez lui, ce sont ses yeux d'un bleu très clair, tranchant avec le noir de ses cheveux. Sinon, cet homme d'un autre temps a gardé chevillées au corps les allures de son époque, une façon de se tenir qui ne se retrouve nul part ailleurs, ainsi qu'un goût prononcé pour les vêtements élégants, quoi qu'à présent, il lui faille s'adapter à toute cette modernité...
Pouvoirs.
Les capacités de Richard sont directement liées au médicament qu'il s'inocula afin de ne jamais mourir, et sont pour la plupart à leur paroxysme lorsque le côté sombre de son tempérament prend la main.

Le pouvoir exhibé à la vue de tous, et qui d'ailleurs faillit bien à plusieurs reprises attirer l'attention sur lui une fois emprisonné sur l'île, est celui de l'immortalité. Hyde ne vieillit pas, ou très lentement, ce qui lui permet de conserver l'apparence de ses vingt-neuf ans depuis bien plus d'un siècle. Vous comprendrez aisément que cela puisse paraître étrange aux yeux des civils dont il est le voisin... Ainsi, il lui arrive de se teindre les cheveux, ou de se laisser pousser un peu la barbe afin de tromper son monde, ce qu'il fait plus par modeste amusement que pour réellement maintenir le calme en ville.

Et jeunesse rimant avec vigueur, le sérum a fait de lui un combattant pour le moins redoutable : doté d'une force surhumaine, il peut aisément soulever un homme adulte d'une seule main. À ceci s'ajoute une agilité accrue qui, couplée à sa force, lui permit dans le temps d'échapper à toutes les polices d'Europe, sautant de toit en toit, maîtrisant les inconscients tentant de l'arrêter. En tant que libraire, le Britannique use rarement de ces aptitudes, quoi que la tentation soit parfois grande.

Histoire.
Comment s'appelait-il déjà... Ah oui, Gabriel J. Utterson, cela me revient. Cet homme a écrit sur moi, sur une bonne part de ce que fut ma vie avant Monroe Island. C'est donc en partie à cause de lui que vous nourrissez un certain nombre d'idées reçues à mon endroit, et croyez en définitif avoir déjà tout appris sur mon compte. Ah, Gabriel... Toi qui fit en partie ma renommée, comme il est étrange de te saluer au fil de ces premières lignes, moi qui t'ai survécu, moi qui au fond ai fait triompher le Mal...

Je me nomme Richard Andrew Hyde, et je suis né le cinq décembre 1837, dans un quartier bourgeois de Londres. Mes parents, Elizabeth et John... Oh, Ciel, quelle manière classique de débuter les choses. Bref, quoi qu'il en soit, il faut bien commencer quelque part ; je disais donc que mes parents appartenaient à cette haute bourgeoisie étant revenue depuis longtemps de la course effrénée au titre de noblesse, et n'aspirant plus à présent qu'à vivre de façon à la fois cossue et sans histoire parmi leurs semblables. Ma mère, poitrinaire, me légua une santé fragile, qui fit de moi dès ma naissance un petit garçon aux poumons capricieux, souvent sujets aux infections. Je ne crois pas avoir passé un seul hiver sans une grippe, une forte fièvre me clouant au lit, ou une toux caverneuse me secouant inlassablement. Elizabeth Hyde mourut d'ailleurs assez tôt, rendant ainsi hommage à mes ancêtres dont bon nombre avaient succombé à pneumonies et autres tuberculoses. Là n'est cependant pas le propos. La voir dépérir à petit feu, et me savoir moi-même sur le même chemin me fit bientôt craindre outre mesure le trépas, que dis-je, même en avoir une insondable et irraisonnée terreur. Mon père tenta bien de m'ôter ces idées sombres de la tête ; rien n'y fit, et tous finirent pas abandonner, m'acceptant comme j'étais, chétif, trop maigre pour mon âge, et hypocondriaque en devenir.

Comme dans toute bonne société huppée, je fus élevé avec une rigueur attentive, sans austérité mais sans amour non plus. Nurses et précepteurs occupaient mes journées où une relative liberté m'autorisait à feuilleter les reliés de la bibliothèque, et observer par la fenêtre les groupes d'enfants auxquels je n'aspirait pas à me joindre. Poser que je me suis toujours senti mal dans ma peau serait un peu extrême, comme d'affirmer que je n'aimais pas ma vie. C'était juste que... Je n'arrivais pas à être en contact avec le monde, une époque comme il n'en existe plus aujourd'hui, là où les apparences priment sur les sentiments. Je riais, je serrais ma mère dans mes bras, je rêvais d'aventures comme n'importe quel petit garçonnet ; pourtant, dès que je fermais les yeux le soir, une seule pensée occupait tous mes songes : j'allais mourir. Irrémédiablement. Tôt ou tard. Au réveil, je tâchais de chasser cette réalité de mon esprit, et d'agir normalement. Dès mes treize ans -je m'en souviens car mon géniteur m'avait offert pour mon anniversaire un précis d'anatomie-, les sciences m'attirèrent, firent naître en moi une curiosité assez forte pour me détourner de ma phobie de la mort. On m'aurait plutôt vu devenir avocat, ou professeur d'université, mais je me choisis cette voie seul, et ma famille eut le tact de ne point s'opposer à mon choix, sans pour autant l'appuyer. Toujours cette indifférence bien mise, comme si tout leur paraissait fade...

Mon adolescence fut marquée par mes études, qui dévorèrent mon temps, ainsi que mon énergie : impossible de m'arracher à mes livres, de m'attirer à un bal, ou très rarement à l'Opéra, tant ma quête de savoir m'obnubilait. Cela dit, j'étais plus épanoui, plus énergique, si bien que personne n'y voyait rien à redire. Au XIXème siècle, la communauté scientifique londonienne se fondait d'abord sur un joli compte en banque, et pour cela, la relative fortune des miens m'ouvrait les portes des amphithéâtres où des sommités du milieu dispensaient des cours magistraux à une foule de jeunes hommes bien mis. Beaucoup parmi eux venaient là par curiosité, par jeu ou par ennui ; pour ma part, je me sentais animé de la flamme de la passion intellectuelle, ce qui fit de moi un étudiant plus qu'appliqué, brillant. J'avais des facilités, cela est vrai, et j'ai su les utiliser ; il n'y a là-dedans je crois aucune forme de vanité particulière. En ce temps, un homme de sciences pouvait s'adonner à toutes les disciplines nécessitant blouse blanche et savoir encyclopédique, de la physique à la géologie sans exception ni limites, si bien que je me consacrais aussi bien à la médecine qu'à la chimie, poursuivant ce vieux rêve qu'était l'Immortalité. Un vieux rêve... Une obsession, à vrai dire. Dévorante. Totale. Mes talents m'avaient attiré des mécènes qui, plus le temps passait, commençaient à se poser des questions sur l'avenir, à s'inquiéter de la manière dont étaient utilisé leur précieux argent. Je ne leur apportais pas la gloire qu'ils espéraient, non... Je me refusais d'ailleurs à enseigner, jugeant ces rangées d'élèves inattentifs mollement intéressés par un savoir mainte fois rebattu juste bonnes à me faire perdre mon temps, ce précieux temps me filant entre les doigts tel du sable. Jalousement, je gardais secrets mes travaux, passant jour et nuit dans mon laboratoire où s'amoncelaient cadavres à différents stades de décomposition ainsi que des primates enfermés dans des cages et me servant de cobayes, ne pensant ni ne respirant que pour trouver la recette de l'Immortalité. Tout mon monde avait fini par tourner autour de ce projet, et rares étaient les occasions parvenant à me tirer de mon laboratoire, antre des mes expérimentations jugées par beaucoup comme déraisonnables, abracadabrantesques, terrifiantes. Oui, je lisais de la crainte dans leur regard, eux qui ne savaient réagir face à ma passion, à l'emportement qui s'avérait être le mien lorsque je défendais âprement mes expérimentations, moi l'homme effacé de plus en plus différent du jeune étudiant docile avide d'apprendre. Ils me pensaient fou, ne parvenaient à saisir à quel point ma quête était grandiose, fondamentalement primordiale, à tel point que je parvenais à vivre au milieu des corps et des alambics sans plus chercher la lumière du jour. Je traçais ma propre destinée, ne comptant que sur moi-même, méprisant ceux doutant, ceux tentant de me convaincre que j'échouerais... Parce que le Néant, lui, réussissait toujours son coup, volant nos âmes, réduisant nos corps à la poussière. Avons-nous seulement une âme ? J'avais toujours douté des préceptes inculqués par mes parents, par la société et par l'Eglise anglicane, à propos d'un Paradis pour les méritants, d'un repos éternel ainsi que d'une vie après la mort. À mes yeux de scientifique pragmatique à l'extrême, il n'y avait que cette existence organique, qui s'éteindrait au bout de souffrances sans nom, ou pire encore, sans prévenir. Affublez-moi d'athéisme si cela vous chante ; Dieu ne m'avait pas particulièrement épaulé, me condamnant à vivre avec une petite santé, je ne vois pas pourquoi j'aurais eu la générosité de tendre l'autre joue, et de lui vouer un culte aussi dévot que stérile.

Tout empirait, sporadiquement. Mes résultats ne concluaient pas, chaque pas en avant semblait être suivi de deux en arrière, et les dotations me permettant de pousser plus avant mes investigations menaçaient de se tarir. Quelques menues découvertes à peine exploitables au niveau industriel ne firent que retarder l'échéance, ce qui ne me rendit que plus aux abois, presque désespéré, ivre de colère à l'idée d'avoir à abandonner, si près du but. Toute cette tempête d'émotions, je la gardais en moi, cadenassée afin de ne rien laisser paraître, la laissant éclater parfois aux heures les plus sombres de la nuit, brisant mes éprouvettes au sol et éparpillant avec rage des piles de pages recouvertes de notes presque épileptiques... Et puis un soir, je réussis. Aussi simplement que l'on mélange par inadvertance deux produits, que l'on tempête suite à ce qui nous apparait comme une bévue aussi stupide que dramatique, et que l'on abandonne pour se prendre la tête entre les mains, et se sentir plus que jamais victime d'un Destin. Pourtant, c'était ce même hasard qui venait de créer le breuvage qui je recherchais avec tant de persévérance. N'y croyant pas, malgré la couleur de la solution, j'effectuai dans l'instant plusieurs analyses qui concordèrent toutes, mon excitation grimpant d'un cran à chaque nouveau résultat. Je n'avais aucune preuve tangible de la réelle efficacité de ce que je croyais être le remède au plus grand mal de l'humanité, simplement des indices concluants, et surtout l'absence totale de temps, de moyens, de foi de la part de mes collaborateurs : mon mutisme buté ainsi que mes mouvements d'humeur m'avaient définitivement perdus aux yeux de mes confrères, qui avaient prestement diligenté mon renvoi de l'Académie Royale des Sciences. Ce laboratoire, mon ultime fief, ne tarderait pas à être fermé, et ma personne jetée en prison pour exercice illégal... Je n'avais plus un sou, aucun animal sur lequel tester la solution. Bien sûr, j'aurais pu gagner une ruelle sombre, et y puiser au sein de la lie londonienne un pauvre bougre qui accepterait de boire ma création en échange d'un bol de soupe chaude et d'un endroit où dormir. ça n'aurait posé aucune difficulté, vraiment, tant la pauvreté tutoyait les quartiers les plus nantis. Et pourtant, je bus. Je bus, oui, jusqu'à la dernière goutte, sans une hésitation : ce breuvage aurait pu me tuer, mais je refusais qu'en cas de réussite, l'Immortalité soit conférée à un vulgaire mendiant. Nul autre que moi, qui avait travaillé si dur et essuyé tant de moqueries hautaines méritait ce sacre. Mon coeur battait si fort, mon souffle était si rapide... Mon but, enfin. Ou la fin de tout, ce qui sur le coup ne m'épouvanta pas comme j'aurais pu me le figurer dans mon enfance. Il n'y avait pas que de l'impatience là-dedans, dans ces sens qui vacillèrent, dans cette brève et courte fièvre... Ce que j'ignorais alors, et lorsque ce bref fourmillement disparut de la moindre parcelle de mes membres, je quittai le laboratoire, songeant avoir échoué, mais au moins vécu une réelle et tangible tentative, la seule et l'unique, capable de repousser l'amertume de la défaite durant quelques temps trop brefs.

Je ne pris pas immédiatement conscience de ce qui se passait. Comme prévu, mes thèses furent saisies par une commission, tous mes travaux mis sous scellés, et mon nom à jamais terni par l'opprobre relative à l'interdiction d'exercer. Mes journées ne se résumaient plus qu'à errer chez moi, à ranger de vieux papiers et à réaliser sans l'ombre d'une émotion à quel point je ne possédais plus aucun ami, connaissance, ou quelconque figure de ma vie d'avant acceptant encore de me côtoyer. Dignement, sans résister, je les avais laissés enterrer le jeune homme prometteur et enthousiaste que j'avais été, ne me laissant dans le coeur qu'un immense vide, peut-être aussi immense que la mort elle-même. Rien ne m'intéressait, et il était rare que j'aligne plus de dix mots. Les semaines passèrent, tassant les choses, ne parvenant à me raccrocher au monde, à la vie grouillante Londres : plus encore que dans mon enfance, je me sentais à part, en marge, sauf que je ne nourrissais plus aucune motivation quant à tenter de me raccrocher aux maigres branches encore tendues vers moi. Puis vinrent les premières absences. Rosy fut la première à s'en rendre compte, et à commencer à s'en inquiéter, bien avant mes parents qui osaient à peine me rendre visite, et mes rares camarades reconnaissant un peu de bien-fondé à mes recherches. Ah, je ne vous ai pas parlé de Rosy. Elle fut mon épouse, de quatre ans ma cadette ce me semble, un mariage arrangé par nos deux familles alors que j'entrais à peine dans le cercle très fermés des élites pensantes, au début de ma brève et flamboyante renommée. Je n'éprouvais rien pour elle, sinon ce respect poli voire indifférent relatif à ce genre d'union, qui me faisait répéter le schéma dans lequel j'avais grandi, et qu'on attendait de moi. Rosy... Suzy, Emily ? Je n'arrive plus à me rappeler, elle semble si lointaine, son image demeure brumeuse, à des années lumière. Je ne me souviens même plus de son visage, entouré de flou... Il faut avouer qu'elle fut Sa première victime, un corps abandonné au beau milieu de notre salon, le crâne réduit en une bouillie sanguinolente. Une attention sincèrement compatissante quoiqu'un peu trop pressante de sa part lors une soirée de migraine, ou peut-être tout simplement la malchance la plus sombre qui soi, pourraient expliquer Sa première vraie manifestation.

Car je n'étais plus seul. Les voix qui me tourmentaient lors de violents cauchemars et hantaient mes journées s'étaient fondues en une seule et unique, claire, nette. Douée de vie propre. Dormir n'y faisait rien, pas plus que sortir au grand air ; je ne buvais pas, n'avais jamais touché à l'opium ni aux autres substances hallucinatoires si secrètement courues dans la haute société, et venues tout droit des quatre coins de notre empire colonial. Je ne réalisai l'étendue de mon cas qu'en revenant brusquement à moi en plein milieu d'une forêt épaisse, complètement désorienté, couvert d'un sang inconnu, celui de ma défunte épouse, assassinée de mes mains. Ses mains, en fait. Il m'expliqua tout. Cette chose, dans ma tête, me salua, se présenta, et m'expliqua qu'à présent, nous n'étions plus que tous les deux, que nous allions enfin pouvoir repartir ensemble du bon pied. Personne alentour à qui imputer une mauvaise farce, une seule explication : mon remède m'avait fait perdre la tête. Ayant toujours été pragmatique, je ne me laissai pas aller à la panique, tâchant de réfléchir, d'expliquer, de ne pas me noyer. Où me trouvais-je, à qui était ce sang ? Aucun souvenir, rien que le noir de l'amnésie, tel un sommeil de plomb sur les dernières heures... Les derniers jours ? Jekyll m'apaisa, et le simple fait qu'Il se soit donné un nom au fond me convainquit que tout était perdu : ça n'était pas juste une présence, c'était moi. Aucune psychose n'amenait à des symptômes aussi sévères, à l'impression palpable de s'être dédoublé. Il me dit qu'il s'occuperait de tout, que je n'avais qu'à me reposer le temps qu'il faudrait. C'était à Son tour de jouer. Affalé contre le tronc d'un chêne vénérable, je m'abandonnais alors aux ténèbres.

J'aurais pu lutter, en effet. Ne pas Lui laisser la main aussi aisément. Mais comprenez que je n'avais rien à sauver, rien à espérer. Je n'avais strictement aucune envie de me débattre, de revendiquer mon identité, la maîtrise de mon existence. Tout m'était profondément indifférent, sans saveur, emprunt d'une vacuité sans nom. Dieu n'existait définitivement pas. J'étais condamné, mais cette Présence me tendait la main, ne me laisserait pas me dissiper dans la nuit noire. J'abdiquai donc, parce que Lui voulait quelque chose, des tas de choses, avec une énergie sans bornes, et une volonté contagieuse que je n'avais jamais connue auparavant. Même effacé au second plan, dans un comas semblable à un état second, mon conscient percevait Sa puissance, les passions qui L'animaient, radieuses, magistrales, disproportionnées. Je me réchauffais un temps à Son soleil, Le laissant maître de mon corps, avant de Lui signifier qu'une cohabitation entre nous se révélait pleinement possible. Cela Le ravit, je crois de ne rencontrer aucune opposition de ma part ; Il m'aurait de toute façon repoussé sans mal. Non, au contraire, Il me "fit une place", si je puis dire, et je revins ainsi à la surface, partageant mes perceptions avec mon hôte. Jekyll avait élu domicile sous les combles d'un immeuble délabré, non loin du port, et ce fut assez aisément que je retrouvai les sensations et les réflexes propres à un être habitant un corps de chair auquel son esprit se trouvait arrimé par des connections nerveuses en état de marche. Les gros titres des journaux populaires m'apprirent l'étendue des appétits de mon nouveau meilleur ami : Londres commençait à trembler suite à une série de vols et de meurtres particulièrement sanglants auxquels la police ne parvenait à apporter aucune conclusion. Ainsi, l'Autre était maléfique, attiré par la richesse, la violence, le goût extrême du risque... À ce stade encore, j'aurais pu faire machine arrière, me livrer aux autorités, chercher à me faire soigner et à museler définitivement cette Voix impérieuse. Ce que je ne fis nullement. Voulez-vous que je vous dise ? Jekyll était -et est toujours- l'être le plus séduisant que j'ai jamais rencontré. Il osait ce que je n'aurais même pas rêvé d'entreprendre, par crainte de déplaire, pour rester bien conforme à un moule abscons créé par une société m'ayant banni comme un malpropre de son giron, malgré mes efforts. Grisé, je les envoyai tous au Diable, les professeurs comme les bureaucrates, les bien pensants comme les faux innocents, et sentis pour la première fois le goût sucré de l'adrénaline déferler pleinement dans mes veines. Aucune limite. Plus jamais. J'étais libre. Nous étions libres. Et le monde s'ouvrait à nous.

Je ne me résolus cependant pas à disparaître du jour au lendemain : un relent de pitié envers cette civilisation ayant été la seule que j'avais jamais connue jusqu'alors me convainquit de faire un geste fair-play envers cette jolie ville que j'allais défigurer à jamais. Je m'arrangeai donc pour organiser un rendez-vous avec Gabriel Utterson, un notaire ayant géré certaines des affaires des Hyde. Comme beaucoup de monde à Londres, il avait été secoué par ma disparition mystérieuse, ainsi que par la mort aussi prématurée qu'horrible de mon épouse, et me raconta sans mal sous le coup de l'émotion toutes les théories en vogue quant à ce qu'il m'était arrivé : un cambriolage ayant mal tourné ? L'attaque d'un détraqué ? Ces malfrats m'avaient-ils enlevés, ou bien étais-je parti en croisade contre eux ? Venais-je de m'échapper de leur planque, ou d'enfin assouvir ma vengeance chevaleresque ? Mon absence n'avait-elle été que le fruit d'une fatale coïncidence, ma peine ayant besoin d'être soignée dans la solitude avant de revenir vers les miens, si bien que j'ignorais tout du sort de ma pauvre Rosy ? Le voir s'épancher de la sorte, et presque renier le précepte devenu loi au sein de la bourgeoisie d'en toutes circonstances conserver un flegme attentif, m'amusa, je dois l'avouer. Autrefois, j'aurais tenté de le détromper, de lui expliquer aussi clairement que possible la vérité. Mais là... Je n'étais plus le Richard qu'il avait connu, j'avais définitivement changé, plus encore que ce que j'imaginais comme je le découvrirais bientôt. Non, je me contentais de lui sourire posément, le laissant supputer tout son soûl ; fut-ce l'éclat inhabituel de mon regard, ma façon de me tenir plus droit, ou l'ombre de Jekyll planant sur mes traits ? Au bout d'un certain temps, Gabriel finit par se taire, et même me dévisager, au mépris de l'étiquette, ce qui me plut encore plus : la métamorphose prenait toute sa valeur, et le plaisir presque mesquin de surprendre, moi le discret fils de bonne famille n'étant jamais sorti des sentiers battus, s'avérait purement ravissant. Laisser planer le doute en lui était tentant, pourtant je voulais que mon histoire soit connue, du moins partiellement, peut-être pour servir d'exemple, pour que quelqu'un au milieu des rumeurs et récits qui suivraient sache réellement qui se cachait derrière le nom sanglant de Mr Jekyll, pour que ma légende obtienne toute l'ampleur qu'elle méritait. Sibyllin, je lui racontai de façon donc la nuit au laboratoire secret, mes premiers symptômes, à quel point mon alter ego me complétait si négativement, à quel point je ne pouvais ni ne désirais au fond lutter contre son influence. Ce brave homme fut stupéfait, bien évidemment, et je suppose qu'il ne me crut pas, pas complètement. Quel être censé m'aurait de suite accordé le crédit que je méritais, de toute façon ? Non, il comprit au fur et à mesure, au fil de conversations sporadiques où il me croisa à différents stades de ma schizophrénie d'un nouveau genre, tantôt plus Hyde que Jekyll, ou inversement, à une époque où la presse s'enflammait déjà à mon propos. Quatre mois avaient déjà passé depuis l'arrivée dans ma vie de mon Double, plus rapidement qu'un battement de coeur, et déjà, l'Angleterre ne parlait plus que de moi.

Je ne puis que saluer l'inventivité de mon autre moi. Il pouvait passer de la plus profonde bassesse, égorgeant une vieille dame dans l'ombre d'une ruelle, aux assassinats les plus grandioses, où les corps mis en scène racontaient une macabre histoire, une fable tragico-comique épouvantant du plus noble des notables aux plus vils gredins des docks. Notre force résidait en une seule et unique règle : frapper au hasard. Tout le monde pouvait être une cible potentielle, aucune logique ne réglait les disparations ni les meurtres, si bien que le Gouvernement alerté jusque dans ses plus hautes sphères ne savait comment régir, ni dans quel direction orienter ses hommes. Ah, les Bobbies londoniens, Jekyll adorait les tenir en haleine, et quelque part, je le comprenais sans mal : il s'agissait du bon vieux jeu du chat et de la souris, si attrayant tant il rappelait les aléas de la séduction... Concernant les femmes, je dois avouer que je me désintéressai de la question : s'Il eut des maîtresses, Il comprit l'intérêt de ne pas fréquenter n'importe qui, car nous partagions le même corps, et cela m'aurait insupporté d'être menacé, après tant de découvertes et d'avancées, par l'idée de contracter quelque maladie vénérienne que ce soit auprès d'une catin de bas étage. Non, avec la gente féminine comme dans tant d'autres domaines, Jekyll n'était attiré que par le défi, les choses de prix lui échappant ; le viol s'ajouta donc à quelques occasions à la liste de nos méfaits, ce qui ne me gêna pas. Il s'agissait du prix à payer, de l'envers de la médaille, sans doute... Ses victimes de toute manière n'avaient jamais la vie sauve, il s'agissait donc d'exécutions, avec un scénario légèrement différent. Pour ma part, je goûtais l'emportement de mon ami intérieur, et tempérais ses élans, montant plans machiavéliques et autres stratagèmes afin de berner nos poursuivants, et de trouver le moyen d'acquérir l'objet de Ses -ou, désormais, et de plus en plus, de nos- désirs. Etrangement, mon cher Gabriel cessa bien vite de m'écrire, quoi que mon sens de l'organisation nous eût placés à l'abri, la police ne pouvant remonter la piste des courriers déposés anonymement à son domicile, ou encore à son cabinet. Les bonnes choses devant par définition avoir une fin, je le laissai donc à ses tourments intérieurs pour voir plus grand, encore et toujours.

Londres était devenue en effet trop petite pour nous, trop limitée. Jekyll avait envie de nouveaux horizons, et je le comprenais : les demeures les plus intéressantes avaient été cambriolées, les collets montés pendus à leurs fenêtres, et même le très respectable et estimé Directeur de Scotland Yard avait eu droit à une belle terreur nocturne ainsi qu'une disgracieuse cicatrice, afin de le féliciter de sa nouvelle promotion. Des potentialités bien moins routinières n'attendaient que nous Outre-Manche, et même au delà. Nous partîmes donc, abandonnant notre patrie sans un regard en arrière, par une matinée brumeuse et à bord d'un ferry empli d'anonymes, non sans avoir laissé au préalable un petit souvenir de nous à Sa Majesté la Reine Victoria, la tête de son Chambellan empalée sur les grilles de Buckingham. L'Europe s'offrit à nous avec autant de facilité que ma ville natale : Paris trembla la première, puis d'autres cités encore, d'autres étrangers aux langues inconnues, des paysages à peindre de rouge, à soulever par la paranoïa grandissante. Du froid Amsterdam aux eaux limpides du Lac Léman, en passant par les Alpes enneigées et la romantique Venise, j'effectuai une errance aussi sporadique que retentissante, notre code fonctionnant à merveille, nous rendant imprévisibles, tout-puissants. Comme c'était grisant ! Moi qui en trente années n'avait jamais quitté la capitale du Royaume-Uni, je me laissai emporter par ce torrent d'images, de saveurs, d'exotisme, tout en sentant nos pratiques devenir de plus en plus précises, de plus en plus élégantes. Les massacres aveugles se faisaient plus rares, au profit de ces cadavres laissés dans des positions théâtrales, ironiques, diableries de chair sur lesquels nombre de psychiatres se cassèrent les dents, ces fameux premiers "profilers" se vantant de pouvoir parvenir à percer l'esprit des criminels, mon esprit. Quels ignorants ! Comment auraient-ils pu saisir l'étendue de mes capacités, l'immensité de mon don ? Car nous étions deux sous mon crâne, deux génies du mal en devenir, s'alimentant l'un l'autre, s'entraidant en une symphonie macabre recouvrant les journaux de titres immenses, effarés. À chaque gare, nous nous repaissions de ces unes unanimes, et à chaque nouveau stade dépassé, je m'émerveillai toujours plus de ce que ma personne était capable de faire : sauter plus haut, courir plus vite, pratiquement défier l'apesanteur en sautant de toit en toit. Ma potion m'avait rendu plus fort, et comme je le découvrirais au bout de plusieurs années, ralentissait mon vieillissement au point de me figer dans mes plus belles années, celles de la Renaissance sous toutes ses formes, ma Renaissance.

Un an s'était déjà écoulé depuis ma transformation. Je bougeais si rapidement entre les différentes nations que je ne savais pas vraiment à l'avance vers quelle destination nous partions, choisissant un nom sur une carte totalement au hasard. Le fruit de nos vols était abandonné dans nos planques d'une nuit, ou revendu à des collectionneurs du marché noir sans aucun scrupule : seul comptait la griserie d'une entrée par effraction au Schloss Charlottenburg de Berlin, ou encore au château de la famille milanaise des Sforza. Vous ne sauriez imaginer à quel point le Louvre se révèle sublime au clair de lune, lorsqu'il n'y a âme qui vive le long de ses infinis corridors. Le Vieux Continent quant à lui ne parvenait plus à relever la tête, et nous nous pensions définitivement sur la bonne voie, hors de toute atteinte. Après tout, aucun Gouvernement jusque là n'était parvenu à seulement entamer l'avance que nous avions sur lui ! Cependant, ce que nous ignorions, et que je n'aurais su prévoir, c'était que l'Europe tout entière allait se lancer à notre poursuite. La menace que je représentais avait engendré un monstre plus puissant encore que notre improbable couple, une armée de l'ombre invoquée par tous les Etats alliés, oubliant leurs vieilles querelles pour mieux se concentrer sur le danger que j'incarnais. En y réfléchissant, ils auraient dû me remercier de leur avoir enseigné le travail de groupe... Quoi qu'il en soit, la chasse à l'homme dura une année supplémentaire, plus de trois cent jours durant lesquels le sang coula encore, quoi que de façon bien moins réjouissante qu'auparavant : une ombre planait sur nous, l'instinct de Jekyll le sentait, et ma logique s'arrêtait sur nombre de minuscules détails annonçant des ennuis à venir, l'amoncellement de nuages noirs dans notre ciel si bleu. Nous étions pourtant si loin d'imaginer l'ampleur de ce qui avait lancé à nos trousses... Sans panique ni inquiétude aucune, quoi que conscients d'être peut-être enfin confrontés à des enquêteurs de talent, nous prirent place à bord de l'Orient Express à Vienne, la magnifique et lumineuse Vienne, en direction d'Istanbul. Gagner l'Ouest me tranquilliserait, pensai-je, et mon Hôte ne voyait aucun inconvénient à repousser encore plus loin la frontière si fragile séparant les terres vierges de notre marque, et celles à jamais hantées par nos atrocités. Une fois la Mer Noire gagnée, nous serions hors de portée, et à l'aube d'une nouvelle étape, digne de nous propulser au rang de monstre mondial.

Nous fûmes arrêtés entre Budapest et Bucarest, tard dans la soirée. Je ne me rappelle que de très peu de choses à propos de cette nuit-là : un pont au dessus d'un ravin au fond duquel coulait une rivière aussi noire que de l'encre, des compartiments de tête en feu, et mon corps suspendu à une fenêtre, ivre de rage, injuriant des hommes cheminant l'arme au poing sur le toit des wagons. J'avais laissé pleinement le contrôle à Jekyll dès le début de l'offensive ; ce fut sans doute un peu lâche de ma part, d'ainsi le laisser "seul" face à ces troupes surentraînées, mais Il était le plus à même de gérer cette situation, je L'aurais gêné plus qu'autre chose. Non, Sa hargne naturelle, Sa méchanceté viscérale en faisait un adversaire idéal, notre meilleure protection. Jamais Il n'abandonnait, jamais Il n'acceptait l'échec. Plus que tout Sa liberté lui était chère, et Il la défendrait jusqu'au bout. Plutôt périr que d'être pris...? Je me souviens de l'avoir remercié, dans une dernière étincelle de conscience, avant que notre corps ne s'écroule ; nos ennemis avaient utilisé des carabines chargées non pas à balles réelles, mais à fléchettes anesthésiantes, celles utilisées par les chasseurs sur la piste des grands fauves. Merci, merci pour tout... Merci pour cette petite éternité sans chaînes... Maintenant, je pouvais mourir sans crainte, car j'avais vécu, car Il était avec moi...

Pourquoi ne pas nous avoir éliminés ? Voilà une question intéressante, à laquelle je n'obtins jamais de réponse. Je m'éveillai sporadiquement lors de notre transport, assez pour sentir une piqûre dans mon bras, et la sensation d'une tête pesante alors que les nouveaux sédatifs agissaient. Aucune idée de ce qui se passait. Je n'aspirais qu'à une chose : le repos, l'oubli. Qu'on me laisse juste le temps de reprendre mon souffle. Juste une seconde... Je retrouvai pour de bon mes esprits dans une chambre aveugle, vêtu de l'habituelle camisole réservée aux êtres jugés hors de contrôle. Un uniforme infamant que j'aurais pu déchirer sans aucune difficulté. Cependant, comme s'ils avaient lu dans mes pensées, mes gardiens pénétrèrent dans mon sanctuaire et, de façon ma foi fort surprenante, m'ôtèrent d'eux-mêmes chaînes et entraves, sur leurs gardes, incapables de savoir comment réagir à ma présence, mais conscients que rien de commun n'aurait pu me retenir entre ces quatre murs contre ma volonté. Dans leurs yeux, je lus qu'ils savaient que mes dons me rendaient capable de leur briser la nuque en une fraction de seconde ; cette crainte ne les empêcha pas de m'apporter des vêtements corrects, et de m'inviter à sortir de ma cellule dès que je serais prêt. Quelle incongruité...! Etait-ce une façon détournée de m'amener devant mon peloton d'exécution ? Jekyll dans un coin de mon âme grondait, animé de la méfiance propre aux lions en cage. La curiosité fut cependant la plus forte : je quittai donc calmement les quartiers de détention pour gagner les étages supérieurs d'un bâtiment que je devinai immense, et flambant neuf, guidé par un contingent de quelques soldats s'efforçant d'arborer l'air de plus détaché possible, détournant le regard dès que l'un d'entre eux croisait le bleu glacé de mes iris. Nous finîmes par arriver après plusieurs minutes de marche silencieuse dans un vaste bureau, derrière lequel un général en uniforme entouré d'un petit état major me reçut. Oh, le silence de mort qui s'installa dès que je passai le seuil de la porte... Nous avions si bien œuvré que ma simple respiration tenaillait leurs entrailles de préoccupation. Statuer sur mon avenir avait dû leur donner de sacrées sueurs froides. Quoi qu'il en fût, je ne m'en enquerrai point, attendant avec sérénité ma sentence. Celle-ci tomba sans fioritures ni même une once de joie perverse : je me trouvais actuellement sur l'Île Monroe, terre que Sa Glorieuse Majesté dans sa plus grande magnanimité avait mis à la disposition de ses forces armées afin de garder en captivité les criminels de mon espèce, et ce au cours d'une peine à jamais décidée comme non commuable. En gros, sous ce discours pompeux, je compris que le Gouvernement britannique me gardait sous le coude -pour quelle raison ? me soigner ? me faire jouer les rats de laboratoire ? faire de moi une arme ? si tel était le cas, comme ils se fourvoyaient- au beau milieu de nul part, loin de l'attention du public. Ou, pour être plus exact, à l'extrême Nord de l'Europe, comme je l'apprendrai par mes propres moyens, en inquiétant un peu le petit personnel. Ce caillou avait été découvert par un docteur du même nom, qui lui aussi cachait quelques sales petits secrets : son île servirait de pénitencier et en contrepartie, les autorités fermeraient les yeux sur ce qu'il avait de plus précieux... Je n'étais pas seul. D'autres se trouvaient porteurs de capacités hors du commun, par accident ou expérimentation, ce qui me laissa songeur durant les premiers temps de mon incarcération. Certains parmi ces surhommes avaient choisi de se joindre à l'armée et de nous surveiller, moi et ceux qui me suivraient, les hors-la-loi les plus dangereux de la planète, ou peu s'en fallait. L'amertume d'avoir perdu une part de ma brillante unicité fut ainsi estompée par une nouvelle mise en relief de mon environnement, du monde en son entier : il existait enfin des êtres auxquels réellement me mesurer...

Ainsi débuta mon exil. Le Docteur Monroe avait bâti sur ses terres une unique ville dans laquelle on me permit de vivre, d'abord en résidence surveillée avec interdiction de faire un pas dehors, puis avec un peu plus de "libertés". Je ne montrais en effet aucun signe de désir d'évasion ou de vengeance, et l'homme placide que je devenais apaisait l'anxiété de mes geôliers, sans pour autant tuer complètement leur méfiance. Oh, bien sûr pourtant, que je songeais à partir... Seulement il me fallait connaître les points faibles de mes ennemis, et élaborer un plan qui me ferait non seulement quitter cette île, mais aussi faire retentir mon nom aux quatre coins du globe, et générer le plus grand scandale auquel l'Angleterre ait jamais eu à faire face. Ce qui demandait du temps, et de la patience... Jekyll, quoi que nerveux et fondamentalement hostile à l'idée de demeurer les bras croisés, me fit confiance, et nous enterrâmes tous deux la hache de guerre avec nos compatriotes... Pour un temps. Le temps de se faire oublier. Le temps d'observer.
D'autres détenus commencèrent à affluer, à peine arrêtés, ou extirpés de prisons classiques où ils croupissaient depuis des années. Je sympathisai avec certains, mais préférais toujours rester à l'écart : j'avais déjà fort à faire avec nos surveillants ! Le premier héros de Monroe Island -puisque tel est le titre qu'ils se sont choisi-, un certain Tannenbaum, me fut octroyé d'office, un homme d'honneur comme on n'en faisait plus. Du genre rigide, droit et imperturbable, n'éprouvant nullement le même soulagement que ses collègues à l'idée de me voir doux comme un agneau, si différent du monstre dépeint par la presse internationale. Son fils, qui lui succéda, eut la même attitude butée, quoi que durant son "mandat", on m'alloua la gestion d'une vieille librairie à remettre sur pied, et que je baptisai "Ye Olde Book Shop", dans un anglais suranné qui trouvait écho en moi. Je faisais des efforts, il apparaissait donc comme juste qu'on en fasse également envers moi... Certes, je devais toujours me montrer ponctuel lors de visites de routine, subir des interrogatoires ainsi que des fouilles de mon appartement, mais je m'y pliais sans rechigner, montrant patte blanche... Etudiant leurs manières de faire, leurs petites habitudes bien rodées. Lorsqu'on se sent en terrain connu, tout devient mécanique. Et au bout d'un moment, on ne fait même plus attention à rien... Les deux Tannenbaum ne firent aucun impair cependant, je dois bien leur reconnaître cela. Je les vis vieillir et mourir, passant le flambeau à la génération suivante avec la régularité d'une montre suisse, sans aucune once de compassion ou de réel intérêt. Des gens naissaient sur l'île, puis mouraient, et moi je demeurais, il n'y avait rien de plus simple. Ainsi, j'eus le plaisir de suivre les deux conflits mondiaux qui agitèrent le monde, sans les voir de propres yeux, témoin lointain coupé de tout ce qui pouvait bien advenir au delà de l'océan infini entourant ma prison. La pensée que l'Angleterre puisse être envahie par les Allemands m'amusa au plus haut point, bien qu'il y ait peu de chances qu'ils s'intéressent à notre morceau de terre totalement isolé ; j'aurais cela dit beaucoup aimé rencontrer ces soldats embrigadés dès leur plus jeune âge. Les journaux et la radio devinrent mes uniques liens avec l'idée qu'il existait plusieurs milliards d'êtres humains, quelque part, à la fois proches et inaccessibles, des étoiles froides et aveugles dans un ciel que je ne parvenais à percevoir. Que dire de plus ? On tenta de m'imposer deux psychiatres : le premier se suicida au bout d'un an et demi, le second démissionna au bout de quelques semaines ; ce qui encouragea grandement les responsables de l'île à me laisser choisir le moment auquel j'accepterais de me plier à l'examen d'un psychologue ou tout autre praticien assez fou pour examiner mon esprit.

Non, le présent est bien plus pertinent. Je suis à présent sous la garde de Charly Tannebaum, chef de la troisième génération de héros tenus de sacrifier leur existence au secret de Monroe Island, et plus précisément à ma surveillance. Ah, Charly... Je l'ai vue grandir, vous savez. Faire ses premiers pas. Être forgée peu à peu par son père et son grand-père en une personne intègre, consciente de ses responsabilités. Tant de décennies avaient passé depuis mon arrivée... Comme prévu, ils avaient commencé à oublier qui j'étais, à baisser lentement la garde face à mon amabilité et à ma motivation relative à mon intégration dans la vie de la cité, au coeur de ma librairie. C'est toujours un plaisir de la croiser de temps à autres, alors qu'elle gère mon cas avec un certain laxisme, ne m'imposant ni réunions, ni soupçons étouffants. Non, nous pourrions même presque dire que nous sommes amis, quoi qu'user de l'avantage relatif au fait qu'elle sous-estime totalement ou presque Jekyll ne soit pas encore pour tout de suite : elle possède des pouvoirs, et si je veux la briser, il faudra avant trouver une faille à exploiter... Sa petite sœur, Jessica, est également divertissante dans son genre, à sans cesse chercher à causer des problèmes, à croire que je n'aurai même pas besoin de moi-même me charger de faire vaciller le fragile équilibre de l'île. Car équilibre il y a, avec l'arrivée de touristes, de nouveaux résidents, de tout un tas de personnes parfaitement inconsciente de la nature de ce lieu. L'armée se terre en restant à l'affût, les héros se font tout petits... Combien de temps, avant que mes confrères et consœurs en profitent, ces rebuts de la société à la dangerosité extrême qu'il me plaît de côtoyer de temps à autres ? Pour ma part, je dois avouer qu'il y a bien longtemps que mes doigts ne se sont pas refermés autour d'un poignard. Pourtant, je sais qu'à la seconde où j'en aurais pleinement l'occasion, je recommencerai. Je ne peux changer, quand bien même donnerais-je l'impression de désirer me racheter. Je ne peux guérir, car au fond de moi, je ne le souhaite pas. Je reste et demeure Jekyll, à jamais.

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Eleanor M. Wheeler

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Richard A. Hyde

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MessageSujet: Re: Jekyll ✦ Tu ne savais pas pauvre de toi, qu'il y a du Mr Hyde en moi... (terminée)   Jekyll ✦ Tu ne savais pas pauvre de toi, qu'il y a du Mr Hyde en moi... (terminée) EmptyLun 24 Juin - 12:28

Merci ! Evidemment pour le lien, ces deux-là sont faits pour s'entendre What a Face


Et voilà, fiche terminée ; bonne lecture =)
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